07 novembre 2005

SOS avant le nauvrage

Ce n'est pas mon habitude, mais je relaie ici un post que j'ai fait sur le blog de DSK

Je me souviens d'être intervenu sur ce blog pour dire que la Vème république, privée de facto de pouvoirs législatifs et judiciaires opérationnels, privé par le conseil constitutionnel de l'article premier des droits de l'homme et du citoyen et séparé de la nation par une aristocratie qui ne dit pas son nom, était dans un état de grande faiblesse, sinon de désintégration.

Je me souviens d'être intervenu pour dire que le rejet du traité constitutionnel n'avait été que la suite logique autant que viscérale d'une série de votes qui avaient tous exprimé le rejet du système politique en place, mais que ces votes n'avaient jamais été pris en compte.

Je me souviens d'être intervenu pour dire ma préoccupation en voyant des syndicalistes rejetant toute notion de droit pour pirater un navire et, au final, aboutir à envoyer une roquette dans le bâtiment du préfet. Pas de plus vers la désintégration de l'autorité de l'état.

Je me souviens d'être intervenu pour dire que le ministre de l'intérieur s'était engagé dans une course contre lui-même, une escalade rhétorique qui ne pouvait aboutir qu'à l'échec. Cette escalade rhétorique a sonné comme un défit pour les exclus de la nation, défit qu'ils relèvent désormais chaque soir, parce que n'ayant rien, même pas l'espoir, ils n'ont rien à perdre.

Même si concomitance n'est pas causalité, je ne peux m'empêcher de relier ces faits entre eux, et relever leur progression, logique, constante, irrésistible. Si la république avait été forte, le ministre de l'intérieur, voire le premier ministre, auraient démissionné. Mais dans la cohabitation à trois qui est la notre aujourd'hui, si l'un cède, l'illusion a de forts risques de s'écrouler toute entière et de les entraîner ensemble, alors on ne peut pas espérer que cela arrive, sinon trop tard. Pourtant, ces gens de la rue ne revendiquant rien d'autre que le droit d'avoir une place dans notre société, seuls le courage, la force et l'exemplarité politique peuvent sortir la nation de cet engrenage. Car il y a peu de chance que cela s'arrête tout seul, mais beaucoup pour que cela s'aggrave : tout excès générant sa réplique, il y a fort à craindre de la constitution de milices, ou pour le moins, d'actions de représailles. Il y a fort à craindre que ceux qui ont peu à perdre grossissent les rangs de ceux qui n'ont rien à perdre.

Je ne suis aujourd'hui qu'une conscience citoyenne impuissante à agir alors je ne peux que m'en remettre aux rares politiques, hommes et femmes, qui ont encore assez d'intégrité, de force et de conscience pour dépasser l’aveuglement produit par les lentes dérives. Obtenir une tête, lancer un débat, mobiliser les CRS ne suffira pas. Nous avons collectivement échoué, non seulement dans le règlement des problèmes sociaux, mais plus encore dans notre capacité à aller vers un avenir meilleur.


Il faut refonder la république. Que l’assemblée reprenne ses droits ! Restaurez les institutions et les principes !

28 octobre 2005

EDF : le court-circuit des neurones

Difficile de ne pas être au courant : le capital d'EDF sera ouvert au public (les gens, pas les institutions...). Difficile d'ignorer le bruit fait autour de cette augmentation de capital et encore plus difficile de trouver une analyse non manichéenne de l'affaire de cette fin d'automne...

Examinons d'abord quelques faits. Jusqu'à 15% du capital va être mis sur le marché. Tout le monde pourra en profiter, mais les conditions les plus avantageuses seront proposées aux employés (d'EDF et de ses filiales) qui bénéficient d'un contrat de travail de 4 mois au moins à la clôture de l'offre. Dans ce cas, des avantages leur sont accordés (20% de remise à l'achat, jusqu'à 1400 euro d'actions gratuites, des abondements, possibilité de crédit... en fonction des conditions d'achat et de conservation des actions). Globalement, on peut dire sans trop s'avancer, qu'il s'agit d'une bonne opportunité d'épargne à moyen terme, opportunité qui s'adresse à tous.

Alors, pourquoi tant de bruit ? Une partie de la réponse est facile à trouver en faisant une lecture politique : il y a ceux qui soutiennent le gouvernement est qui sont pour, et ceux qui ne le soutiennent pas et sont contre. Cette opposition nunuche ne m'intérressant pas, on l'oubliera.
L'opposition syndicale me paraît plus intéressante par ses conséquences absurdes. Sur fond de discours avec les grandes envolées sur le service public, l'ultralibéralisme, l'indépendance énergétique et la condamnation viscérale de tout ce qui touche au capital, on aboutit tout d'abord à un combat que tout le monde sait perdu d'avance (EDF sera coté en bourse), mais plus grave, qui aboutit à maintenir les salariés les plus pauvres à leur niveau de pauvreté et à renoncer à peser sur les décisions du groupe.
Faut-il être à ce point borné pour tout faire pour que les salariés ne subissent que les mauvais côtés de la bourse (prédations financières, délocalisations induites en fonction des flux de capitaux...) et refuser que pour une fois, ils puissent bénéficier de cette opportunité d'améliorer leur sort ?
Faut-il être à ce point borné pour tout faire pour que les fonds de pensions ou groupes d'investissement étrangers profitent du travail de la nation, mais pas les travailleurs de cette nation ?

Franchement, si j'étais un syndicaliste, même franchement à gauche, je me battrais pour que les actions soient moins chères pour les salariés les plus modestes, pour que les salariés les plus aisés soient plus plafonnés dans leurs possibilités d'investissement, pour qu'une fois l'ouverture effectuée, les possesseurs d'actions puissent se regrouper et fédérer leurs efforts pour peser sur les choix du conseil d'administration. Voilà qui serait un combat militant au service de ceux que l'on est censé défendre ! Au lieu de cela, les syndicats se font les alliés objectifs des puissances financières qu'ils n'arrêtent pas de dénoncer et se transforment en fossoyeurs, acteurs zèlés de la misère sociale qu'ils sont censés empêcher ! Par quelle aliénation de la pensée en arrivent-il là ?

L'actionnariat est un outil financier, mais il me semble que nous aurions tout à gagner à en faire un outil de progrès social. Des salariés qui possèdent en partie leur société sont capables de peser sur les délocalisations, les gestions purement financières des entreprises, sur le climat social de l'entreprise. L'ouverture du capital d'une entreprise publique me semble devoir être le résultat d'une équation intégrant comme paramètres, l'intérêt de la nation, celui de l'entreprise et celui de ses salariés.

Par ailleurs, l'opportunité d'ouvrir ou non le capital d'une entreprise publique peut être discutée, mais la piste du dégagement de moyens pour créer de nouvelles entreprises et de l'emploi me semble intéressante à explorer. Pourquoi l'état ne céderait-il pas quelques pourcents d'EDF pour, par exemple, fonder une nouvelle entreprise d'énergie, spécialisée dans les énergies nouvelles, marché encore naissant et où notre pays est encore bien faible. Mais je craints fort, qu'au nom d'un aveuglement dogmatique, il s'en trouverait pour affirmer que ce serait un acte scandaleux du capitalisme, et tant pis pour tout ceux qui pourraient trouver ainsi du travail...