Quand je vois à Kalighat tous ces gens occupés à s'éteindre de
maladies des plus diverses, je retrouve toujours cette question
du pourquoi. Pourquoi la corruption de l'être, pourquoi cette
saleté qui ronge l'homme jusqu'à l'anéantir intégralement ? Pire
est que le danger reste invisible. L'adversaire est lâche. On ne
le voit pas, il se masque. Il gît. Il agit dans l'obscur, dans ses
arcanes de combat et de stratégies cruelles. Le Mal s'infiltre
dans leurs veines, il corrompt leur propre sang par on ne sait
quel stratagème. Il pénètre leur chair, leurs organes, sans rien
dire. Sans se justifier, il détruit leur vie entière, petit à
petit. J'aurais envie de questionner cet ennemi. Essayer de
comprendre pourquoi il s'adonne au malin plaisir de la destruction
de l'humain. Du faible. Pourquoi ces souffrances ? Pourquoi ces
morts ? Au nom de quoi se déchaîne-t-il?
|
A partir de l'instant où l'on rejette toute idée de châtiment
divin sur l'entité physique, l'effet en devient absurde. Un
non-sens absolu. Une stérilité réaliste lorsque l'on ignore ces
concepts de réincarnation en fonction d'une vie antérieure au
karma peu glorieux. L'ennemi se déhanche. On ne le distingue pas,
on ne le touche pas. Il voit le fruit de sa récréation, il voit
sans être vu. Il commande depuis je ne sais où, il prend plaisir.
Il s'offre un orgasme nihiliste de cruauté. Et si toutes ces
bactéries n'existaient pas ? Si ces souffrances et ces
défaillances physiques ne prenaient forme ? Et si chaque avait
droit à une mort qui ne soit que mort de vieillesse ? Comme une
fin de bail, non comme un séjour cruellement écourté d'un préavis
inévitable, et d'une injustice ultime ?
|