Viva la mousson ! C'est la folie, les rues sont remplies d'eau, en venant de l'armée du salut au cybercafé, je me suis retrouvé dans une ruelle avec de l'eau jusqu'à mi-cuisses !
J'ai même hésité à sortir, mais tous les Indiens le font, alors pourquoi pas moi ? C'est génial de voir l'humeur des gens quand il pleut. En Europe, la plupart sont en voitures, et les autres en imper aux arrêts de bus et de trams, en train de râler ou de traiter d'enfoiré ceux qui passent en voiture le long d'eux et qui les éclaboussent. Ici non, puisque la grande majorité des gens est à pieds, les quelques taxis sont exceptions dans le quartier à présent, en période de mousson. Tout le monde est soumis au même régime: femmes, hommes, enfants, chèvres et chiens errants. On est tous abrités sous de grandes bâches, dans les entrées des maisons, à contempler ces rues marécageuses se remplir de plus en plus. Y a pas tellement de vaches sacrées dans le centre de Calcutta. Heureusement pour elles, je me demande bien ce qu'elles feraient par un temps pareil ! Photo de Pascal Mannaerts
Photo de Pascal Mannaerts Et les gens rigolent, ils sont de bonne humeur. Ils ne se préoccupent pas de mouiller leurs fringues, leurs cheveux ou leurs affaires, même si certains portent des parapluies, ils retournent mouillés jusqu'au caleçon, sans aucun souci. D'où l'importance de bien se laver en rentrant, partout où l'eau s'est infiltrée, pour ne pas avoir d'infection. La vie continue, les rickshaw-wallahs tirent toujours leurs clients dans la flotte, les vendeurs de chaï et de chowmein continuent leur besogne comme si de rien n'était. Juste qu'ils mettent leurs échoppent un peu plus en hauteur et retroussent leurs pantalons. Les glandeurs dans la rue continuent à glander, et à attendre que la vie passe. Les gens sourient, les gosses jouent et rigolent. C'est la fête. Un soulagement venu des cieux, qui nettoie, qui rince, qui divertit et qui apaise, qui fait baisser la lourdeur de l'atmosphère et le niveau du baromètre, même si ce n'est que l'histoire de quelques heures

La pluie dans la nuit comme ça, à la lumière des néons de la Sudder street, quels spectacles étranges, de fin du monde... avec toutes ces vieilles baraques, ces enseignes vieillottes qui restent clignoter entre les grosses gouttes, les mini-vagues formées par le passage des gens à pied, des rickshaw-wallahs ou des taxis, qui viennent se fracasser à l'entrée des maisons, les trucs de toute sorte qui flottent à la surface : papiers, restes de légumes ou de fruits, plastiques.

On peut le voir comme une vision d'apocalypse, de jugement, comme une représentation de dieu qui descendrait sur terre pour tout détruire, mais on peut aussi tout autant le voir comme une bénédiction, comme un apaisement, comme une purification, tout comme les gens le perçoivent ici, dans leur culture. Une accalmie, une véritable catharsis. Après la pluie, on tranche les eaux de nos pas, en sandales ou pieds nus pour d'autres, mais la température est tellement plus fraîche. L'air est plus pur, enfin il semble plus pur, les gens ont l'air calmés, réconfortés. C'est étrange, et je constate à chaque fois ce changement d'atmosphère dans les rues, à chaque fois que la mousson nous est tombée! Les gens sont apaisés, de bonnes humeurs…comme des enfants qui viennent de recevoir une faveur, un cadeau qui leur fait énormément plaisir.


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