J'ai vu ce corps allongé sur le trottoir ce matin. Il était recouvert d'un drap blanc et parsemé de pièces déposées sur lui dans je ne sais pas trop quel but. Personne n'avait l'air de s'en soucier.
Photo de Pascal Mannaerts Photo de Pascal Mannaerts
Juste que, sans doute, une âme bienveillante avait posé ce drap pour lui préserver quand même un minimum de décence. Je m'avance un peu, je tourne sur la droite pour me rendre au cybercafé, un enfant sans main vient me mendier quelques pièces. Comme je ne m'arrête pas, il agite ses deux moignons vers moi et me touche de son moignon gauche. Je continue. La sensation est bizarre, je ne peux pas la décrire. J'en étais d'abord dégoûté, mais je m'en voulais de cette réaction. Cet enfant est comme les autres, à part que c'est avec des moignons terrifiants qu'il me touche. Je ne devrais pas le voir différemment, or c'est le premier courant qui m'électrifie l'esprit, même si lui n'en a rien perçu. Je sais que je vais devoir me blinder en me posant et en travaillant ici à Calcutta. Je sais que je vais devoir affronter des situations crues et cruelles, des visions inhabituelles pour moi et qui risquent d'arracher. Ca se fera petit à petit. Je dois me blinder, sinon ça ne le fera pas.




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