La race, une scorie constitutionnelle.
Et si la notion de race disparaissait des textes constitutionnels ?
Derrière cette réforme de l'écriture des textes se cache probablement l'un des basculements idéologiques les plus profonds sur notre conception des rapports des individus entre eux, mais aussi entre l'individu et "l'entité société".
La disparition du mot race.
Le mot a du mal à trouver une définition scientifique valable. Sous-produit du mot "espèce" (qui chez les animaux sexués correspond en gros aux êtres capables de se reproduire entre eux), il correspond dans les faits à isoler un groupe sur le critère de caractéristiques arbitraires, cet isolement ayant pour but de préserver ces caractéristiques. Cette distinction a des buts idéologiques ou identitaires et, par nature, est paranoïaque. Prendre comme référence des caractères dus aux hasards aboutit invariablement à un combat sans espoir pour les stabiliser alors qu'elles sont intrinsèquement instables (la race des blogueurs ne restera pure que si on interdit tous les blogs dont l'auteur ne s'appelle pas bloggy).
Son remplacement.
Dans un texte légal, il peut être nécessaire de constater ou de faire référence à des différences entre individus ou groupes d'individus : alors par quoi remplacer "race" ? Je propose plusieurs mots complémentaires : l'individu est biologiquement défini par son patrimoine génétique ; les individus d'une espèce partagent le même ensemble de gènes. Génotype me semble être un premier élément de réponse (en l'état actuel de nos connaissances). L'individu est perçu à travers des caractéristiques physiques extérieures. De génotype on pourrait passer à phénotype (les individus aux yeux verts), mais cela ne prendrait pas en compte les caractéristiques dues aux "accidents" (les manchots, les changements de couleur de peau suite à une maladie, ). Il me semble donc que l'on doive en rester à un terme moins scientifique : apparence me semble un bon candidat.
L'individu communique, il est donc perçu aussi à travers ce qu'il pense : croyance, philosophie, idéologie, ou a contrario, absence d'une pensée individuelle décelable. Identité spirituelle me paraît être un troisième élément candidat. Les groupes d'individus adoptent naturellement des comportements communs en terme de fonctionnement social, de normes, de mythes identitaires, de références artistiques Culture est un quatrième qualificatif naturel (bien qu'il ait des chances d'être mal compris).
"Race" me semble donc pouvoir être remplacé par le groupe de termes suivants : génotype, apparence, identité spirituelle et culture.
Par exemple, l'article 1er de la constitution deviendrait :
" elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens (définition ?) sans distinction sur le génotype, l'apparence, l'identité spirituelle, la culture. Son organisation est décentralisée."
Au lieu de :
" elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée."
Autre exemple, l'article 21 de la charte des droits fondamentaux deviendrait :
"Est interdite, toute discrimination fondée sur le génotype, l'apparence, l'identité spirituelle, la culture, la fortune, la naissance, l'âge ou l'orientation sexuelle."
Au lieu de :
"Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle." (Et encore, pour ce qui est de la sexualité, il est probable que cela puisse être une conséquence combinée du génotype, de l'identité spirituelle et culturelle. N'en étant pas définitivement sûr, je l'ai gardé en l'état).
Jusque là, cela doit pouvoir coller. Maintenant, pour en mesurer les effets, testons cette définition aux frontières, c'est à dire là ou l'évidence nous empêche habituellement de penser
Frontière 1 : que se passe-t-il en cas de mutation génétique d'un être "non-intelligent" vers un être ayant une intelligence comparable à la nôtre, ou l'apparition d'un "extra-terrestre" intelligent. Le fait que vous veniez probablement de sourire indique que nos textes sont d'abord faits pour nous, les humains. L'universalité recherchée est donc singulièrement limitée. Si je veux bien omettre l'idée des extra-terrestres, il est par contre certain que nous serons un jour confronté à un "homo neo-sapiens" où à une nouvelle espèce capable de communiquer à un niveau comparable au nôtre. Conclusion : pour prétendre à l'universalité, nous devons dépasser notre identité d'humain.
Frontière 2 : le cas de l'apparence est le mieux traité par nos textes actuels, le racisme étant historiquement lié à la couleur de peau. Je ne vois pas ici de cas limite. Reste à l'appliquer
Frontière 3 : l'identité spirituelle a été largement traitée par nos textes, mais nous ne sommes pas arrivés à une situation claire et les bornes sont difficiles à poser. La tradition laïque de la France veut traiter à égalité les religions mais combat les sectes en faisant une distinction "arbitraire" entre les deux, d'autres pays posent la prééminence d'une religion sur les autres, certains cherchent à les éradiquer, certains groupes n'accordent pas le statut d'égaux à des hommes pour des problèmes de considération spirituelle (même un être aussi éclairé que Montesquieu a écrit de parfaites horreurs sur le sujet, ne nous croyons pas à l'abri ; voir également le film La controverse de Valladolid)... Qui a raison, quelle identité spirituelle est universellement acceptable, laquelle ne l'est pas ? Une mauvaise réponse à cette question conduit généralement à la guerre. Ici se choquent nos conceptions imparfaites de liberté, de bien et de mal, de certitude.
Frontière 4 : le cas de l'élément culture est le plus grand défi. Les textes légaux liant génotype, apparence et même identité spirituelle régissent l'individu. Aborder légalement le "niveau culture", c'est comme si un de vos globules rouges cherchait à écrire une loi pour l'individu que vous êtes. La culture ne se réduit pas à la somme des identités spirituelles des individus qui la partagent (réductionnisme), elle ne se "décide" pas, et à cause de la diversité et du nombre d'identités culturelles, nous devons légalement la traiter. Considérations philosophiques lointaines ? Non. Si la Vème république a fini par arriver à un stade ou l'opportunisme et la malhonnêteté priment sur le bien commun c'est que "l'être culturel Vème république" conditionne structurellement ses serviteurs à ce résultat. L'individu au sein du groupe a la destiné commune du groupe, sauf à changer "l'être culturel de ce groupe", il ne peut y échapper quels que soient ses mérites en tant qu'individu. Le défi est donc de pouvoir écrire des lois justes pour cet "être culturel", tout en sachant qu'en tant qu'individu nous ne pouvons avoir, au mieux, que l'intuition du résultat. Conclusion : progresser sur le plan constitutionnel tient autant de la divination que de la réflexion !
Derrière cette réforme de l'écriture des textes se cache probablement l'un des basculements idéologiques les plus profonds sur notre conception des rapports des individus entre eux, mais aussi entre l'individu et "l'entité société".
La disparition du mot race.
Le mot a du mal à trouver une définition scientifique valable. Sous-produit du mot "espèce" (qui chez les animaux sexués correspond en gros aux êtres capables de se reproduire entre eux), il correspond dans les faits à isoler un groupe sur le critère de caractéristiques arbitraires, cet isolement ayant pour but de préserver ces caractéristiques. Cette distinction a des buts idéologiques ou identitaires et, par nature, est paranoïaque. Prendre comme référence des caractères dus aux hasards aboutit invariablement à un combat sans espoir pour les stabiliser alors qu'elles sont intrinsèquement instables (la race des blogueurs ne restera pure que si on interdit tous les blogs dont l'auteur ne s'appelle pas bloggy).
Son remplacement.
Dans un texte légal, il peut être nécessaire de constater ou de faire référence à des différences entre individus ou groupes d'individus : alors par quoi remplacer "race" ? Je propose plusieurs mots complémentaires : l'individu est biologiquement défini par son patrimoine génétique ; les individus d'une espèce partagent le même ensemble de gènes. Génotype me semble être un premier élément de réponse (en l'état actuel de nos connaissances). L'individu est perçu à travers des caractéristiques physiques extérieures. De génotype on pourrait passer à phénotype (les individus aux yeux verts), mais cela ne prendrait pas en compte les caractéristiques dues aux "accidents" (les manchots, les changements de couleur de peau suite à une maladie, ). Il me semble donc que l'on doive en rester à un terme moins scientifique : apparence me semble un bon candidat.
L'individu communique, il est donc perçu aussi à travers ce qu'il pense : croyance, philosophie, idéologie, ou a contrario, absence d'une pensée individuelle décelable. Identité spirituelle me paraît être un troisième élément candidat. Les groupes d'individus adoptent naturellement des comportements communs en terme de fonctionnement social, de normes, de mythes identitaires, de références artistiques Culture est un quatrième qualificatif naturel (bien qu'il ait des chances d'être mal compris).
"Race" me semble donc pouvoir être remplacé par le groupe de termes suivants : génotype, apparence, identité spirituelle et culture.
Par exemple, l'article 1er de la constitution deviendrait :
" elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens (définition ?) sans distinction sur le génotype, l'apparence, l'identité spirituelle, la culture. Son organisation est décentralisée."
Au lieu de :
" elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée."
Autre exemple, l'article 21 de la charte des droits fondamentaux deviendrait :
"Est interdite, toute discrimination fondée sur le génotype, l'apparence, l'identité spirituelle, la culture, la fortune, la naissance, l'âge ou l'orientation sexuelle."
Au lieu de :
"Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle." (Et encore, pour ce qui est de la sexualité, il est probable que cela puisse être une conséquence combinée du génotype, de l'identité spirituelle et culturelle. N'en étant pas définitivement sûr, je l'ai gardé en l'état).
Jusque là, cela doit pouvoir coller. Maintenant, pour en mesurer les effets, testons cette définition aux frontières, c'est à dire là ou l'évidence nous empêche habituellement de penser
Frontière 1 : que se passe-t-il en cas de mutation génétique d'un être "non-intelligent" vers un être ayant une intelligence comparable à la nôtre, ou l'apparition d'un "extra-terrestre" intelligent. Le fait que vous veniez probablement de sourire indique que nos textes sont d'abord faits pour nous, les humains. L'universalité recherchée est donc singulièrement limitée. Si je veux bien omettre l'idée des extra-terrestres, il est par contre certain que nous serons un jour confronté à un "homo neo-sapiens" où à une nouvelle espèce capable de communiquer à un niveau comparable au nôtre. Conclusion : pour prétendre à l'universalité, nous devons dépasser notre identité d'humain.
Frontière 2 : le cas de l'apparence est le mieux traité par nos textes actuels, le racisme étant historiquement lié à la couleur de peau. Je ne vois pas ici de cas limite. Reste à l'appliquer
Frontière 3 : l'identité spirituelle a été largement traitée par nos textes, mais nous ne sommes pas arrivés à une situation claire et les bornes sont difficiles à poser. La tradition laïque de la France veut traiter à égalité les religions mais combat les sectes en faisant une distinction "arbitraire" entre les deux, d'autres pays posent la prééminence d'une religion sur les autres, certains cherchent à les éradiquer, certains groupes n'accordent pas le statut d'égaux à des hommes pour des problèmes de considération spirituelle (même un être aussi éclairé que Montesquieu a écrit de parfaites horreurs sur le sujet, ne nous croyons pas à l'abri ; voir également le film La controverse de Valladolid)... Qui a raison, quelle identité spirituelle est universellement acceptable, laquelle ne l'est pas ? Une mauvaise réponse à cette question conduit généralement à la guerre. Ici se choquent nos conceptions imparfaites de liberté, de bien et de mal, de certitude.
Frontière 4 : le cas de l'élément culture est le plus grand défi. Les textes légaux liant génotype, apparence et même identité spirituelle régissent l'individu. Aborder légalement le "niveau culture", c'est comme si un de vos globules rouges cherchait à écrire une loi pour l'individu que vous êtes. La culture ne se réduit pas à la somme des identités spirituelles des individus qui la partagent (réductionnisme), elle ne se "décide" pas, et à cause de la diversité et du nombre d'identités culturelles, nous devons légalement la traiter. Considérations philosophiques lointaines ? Non. Si la Vème république a fini par arriver à un stade ou l'opportunisme et la malhonnêteté priment sur le bien commun c'est que "l'être culturel Vème république" conditionne structurellement ses serviteurs à ce résultat. L'individu au sein du groupe a la destiné commune du groupe, sauf à changer "l'être culturel de ce groupe", il ne peut y échapper quels que soient ses mérites en tant qu'individu. Le défi est donc de pouvoir écrire des lois justes pour cet "être culturel", tout en sachant qu'en tant qu'individu nous ne pouvons avoir, au mieux, que l'intuition du résultat. Conclusion : progresser sur le plan constitutionnel tient autant de la divination que de la réflexion !